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Conjoncture et marchés février 2025

Panorama économique

Une croissance mondiale bien en place en 2025

Comme d’habitude à cette période de l’année, les experts du FMI ont mis à jour leurs perspectives de croissance au niveau des grandes zones géographiques et sur le plan mondial. Sans réelle surprise, les ajustements sur 2025, depuis leur précédente enquête d’octobre dernier, ont principalement concerné les États-Unis (à la hausse) et la zone euro (à la baisse). Mais d’un point de vue global, l’évolution de la production mondiale est révisée de +0,1 point à +3,3% pour l’exercice en cours.

Prévisions de la croissance mondiale (Source : FMI – Février 2025).

Très largement évoquée depuis de nombreux mois, l’activité outre-Atlantique n’a cessé de surprendre positivement tout au long de l’exercice 2024. La progression de 2,3% du PIB (en trimestriel annualisé) lors des trois derniers mois de l’année dernière est certes ressortie inférieure aux prévisions initiales, mais illustre cependant la résilience des affaires outre-Atlantique après plusieurs années de forte croissance. Toutefois, la plupart des économistes s’accordent sur l’idée d’un ralentissement de la production en 2025 et 2026, malgré la volonté politique du nouveau président D. Trump de continuer à développer « l’exceptionnalisme » américain, incarné derrière sa fameuse expression « Make America Great Again». Néanmoins, quelques doutes sur la capacité des ménages à continuer à dépenser autant depuis la fin de la crise de la Covid peuvent logiquement se justifier. En effet, leur niveau d’épargne à considérablement baissé ces dernières années pour revenir proche des plus bas historiques. Afin de maintenir un niveau de consommation domestique satisfaisant, il sera donc indispensable de s’assurer de la fermeté du marché de l’emploi dans les prochains mois, avec en parallèle, une progression des salaires qui devrait être supérieure à une inflation contrôlée. Or, ce dernier sujet laisse encore plusieurs spécialistes dans l’expectative. Les derniers chiffres sur l’évolution des prix de détail sont toujours délicats à interpréter. Les données qui concernent les prix hors produits alimentaires et énergétiques progressent de +0,4% en janvier et de +3,3% sur un an glissant. Et en parallèle, les ménages américains sont inquiets sur le niveau que l’inflation pourrait atteindre dans un an, résultant des conséquences possibles d’une hausse envisagée des tarifs douaniers sur les importations américaines. Confrontée à ce jour à une dynamique de la croissance US particulièrement satisfaisante et sans certitude sur une normalisation rapide de l’inflation, la banque centrale américaine a donc maintenu ses taux directeurs à 4,5%. La question d’une prochaine détente monétaire ne semble plus à l’ordre du jour, et de nombreux spécialistes en la matière n’envisagent même aucun mouvement pour l’exercice 2025. Pour justifier un tel scénario, il faudra cependant s’assurer que la confiance de tous les acteurs domestiques (ménages et entreprises) demeure bien orientée aux cours des prochains mois, dans un contexte où les choix politiques annoncés par le nouveau président D. Trump sont encore incertains...

L’Europe à la croisée des chemins

Si la capacité des États-Unis à maintenir un taux de croissance de leur PIB proche de leur potentiel est réelle, la situation reste toujours délicate de ce côté de l’Atlantique. Après un exercice 2024 décevant, le redressement de l’activité attendu pour cet exercice demeure modeste. Les handicaps structurels de l’Europe, qui se sont amplifiés depuis la guerre entre la Russie et l’Ukraine, à l’instar de la forte hausse des prix de l’énergie, sont loin d’être atténués. L’Allemagne est probablement le meilleur exemple pour illustrer la dégradation des fondamentaux de cette zone géographique. Son modèle économique, qui a été souvent été considéré comme étant une référence en la matière, semble complétement dépassé depuis plusieurs années. Cela s’est traduit par une stagnation de son PIB depuis fin 2022 comme le montre le graphique ci-dessous.

Croissance du PIB des principaux pays de la zone euro, Base 100 en 2019 (Source : Capital Economics -Février 2025)

Cette faible activité économique qui s’est installée dans le temps a poussé le gouvernement d’Olaf Scholz à créer de nouvelles élections législatives dont le résultat sera connu prochainement. Il est alors probable qu’une nouvelle coalition politique émerge, avec comme base, l’union CDU/CSU (dont le leader est Friedrich Merz), ayant pour mission de relancer l’activité du pays. Cet objectif pourrait se traduire par une modification de la constitution qui permettrait alors d’augmenter les dépenses publiques, notamment sur des secteurs comme celui des infrastructures, de la transition énergétique ou de la Défense.

L’autre bonne nouvelle qui devrait également aider l’Europe à se redresser est liée à la normalisation de l’inflation. Même si les dernières données publiées relatives au mois de janvier sont légèrement décevantes, avec une hausse des prix de détail qui progresse de +0,1 point à +2,5% sur 12&nbbsp;mois glissants en zone euro, le sentiment général qui prédomine reste celui d’un retour rapide de l’inflation vers le niveau des +2%. Dans ces conditions, la BCE, qui vient d’abaisser son taux directeur principal récemment pour la 5ième fois à 2,75% n’aura d’autre solution que de continuer ce mouvement. De nombreux économistes s’interrogent sur l’objectif final, que certains situent entre 1,50% et 1,75%, comme indiqué dans le graphique ci-dessous.

Évolution et prévisions de la politique monétaire de la BCE (Source : Capital Economics – Février 2025)

Par conséquent, si l’on additionne un contexte politique potentiellement apaisé pendant quelques&nbbsp;mois aussi bien en France, qu’en Allemagne, des taux courts de retour sur leur plus bas niveau depuis 3 ans, et voire un début des négociations pour déboucher sur une fin des combats en Ukraine, l’ensemble de ces éléments devrait permettre à l’Europe de retrouver un rythme de croissance supérieur ou proche de +1% dès 2025. Par ailleurs, la Commission Européenne envisage de mettre en place plusieurs mesures préconisées par le dernier rapport Draghi (innovation, décarbonation, investissements...) qui visent à redonner plus de compétitivité à la zone euro. Cela sera absolument nécessaire si le « vieux continent » veut continuer « à jouer » dans la cour des grands (US-Chine) !

Marchés Financiers

L’entame de cette nouvelle année confirme le cadre qui va s’appliquer au contexte des marchés financiers : résilience et incertitudes interagissent pour créer des opportunités et menaces. Les perspectives 2005 s’inscrivent ainsi dans une trajectoire volatile dont la note finale reste encore à déterminer en fonction des multiples variables de l’équation.

D. Trump met le commerce mondial sous pression

Depuis le début de l’année, deux chocs majeurs sont venus perturber la confiance dont les investisseurs faisaient preuve depuis les élections américaines en novembre dernier : les premières implémentations de tarifs douaniers par Donald Trump et la révélation du modèle chinois DeepSeek à même de concurrencer le fleuron de l’intelligence artificielle américaine. Potentiellement disruptives pour l’économie, ces annonces confirment, s’il en est, que l’allocation d’actifs devra se concevoir dans un monde empreint d’incertitudes que nous pouvons classer à minima parmi trois grands thèmes :

  • Les décisions de la nouvelle administration Trump
  • L’Europe va-t-elle parvenir à régler les problèmes de ses pays cœur ?
  • La Chine réussira-t-elle à relancer son économie ?

Si les premiers jours post-investiture de Donald Trump pouvaient permettre d’imaginer une implémentation douce du programme du nouveau président américain, de nature à rassurer les marchés et les banques centrales, en revanche les annonces de début février sont venues rappeler le mode de fonctionnement du nouveau président américain. Avec Donald Trump tout est possible...sauf l’ennui ! Quatre ans plus tard, la technique de négociation de Donald Trump reste la même : pour obtenir quelque chose, toujours menacer. Si les premières décisions concernant le Mexique et le Canada en matière tarifaire ont au final été reportées, il ne faut pas se faire d’illusions sur d’autres annonces à venir, visant en particulier l’Europe, tant les intérêts commerciaux priment sur toute autre considération.

Source : Datastream -Crédit Mutuel Gestion

Jusqu’à présent, l’interprétation des marchés en matière d’impacts probables du Trumpisme était que les effets bénéfiques (croissance) l’emportaient sur les effets négatifs (inflation, déficit budgétaire). Il s’agit désormais de réapprécier ce paradigme au travers d’un durcissement généralisé de la guerre commerciale. L’impact inflationniste peut être significatif ce qui explique la pause de la FED dans l’assouplissement de sa politique monétaire.

Une question fondamentale se pose : Donald Trump pourrait-il mettre à mal l’exceptionnalisme américain ? Probablement pas. Les avantages comparatifs de l’économie américaine demeurent : un vaste marché intérieur, une main d’œuvre qualifiée, une culture entrepreneuriale et des marchés financiers développés. Mais l’exceptionnalisme économique ne veut pas forcément dire surperformance des marchés. À ce titre, « l’affaire DeepSeek » délivre des enseignements susceptibles de remettre en cause l’hégémonie des acteurs américains les plus établis en matière d’intelligence artificielle. La conclusion principale est probablement l’accélération de la déflation dans cet écosystème et des barrières à l’entrée peut-être moins dissuasives. Cela ne remet pas en cause la révolution technologique, mais les fameuses « 7 magnifiques » qui ont tiré les indices américains à la hausse l’an passé auront peut-être plus de mal à justifier des valeurs intrinsèques élevées.

Une autre conclusion majeure est que la Chine démontre une fois de plus sa capacité, aidée par une politique étatique volontaire, à rattraper son retard et rester un concurrent majeur face aux géants américains. L’ère de rivalité entre les deux super puissances économiques ne fait que commencer. Donald Trump n’en est qu’un des symptômes, pas la cause. Il est intéressant de noter la faiblesse des droits de douane annoncés (10%) à l’encontre de la Chine qui tranche avec les discours de campagne (60% prévus). Une des interprétations serait que Donald Trump aurait besoin de la Chine pour faire pression sur Vladimir Poutine dans le cadre d’un accord pour mettre un terme au conflit en Ukraine. Quoi qu’il en soit, la Chine reste sur la défensive et conserve ses marges de manœuvres en matière de relance de son économie dans l’attente d’éventuelles mesures supplémentaires à son encontre. Des nouvelles pourraient filtrer à l’occasion du prochain congrès du Parti communiste en mars prochain.

De nouveaux espoirs pour les marchés européens

Enfin du côté de l’Europe, il semble bien que les investisseurs reprennent espoir eu égard à la belle performance des marchés actions, à commencer par le CAC 40 en progression de 9% depuis le début de l’année. Les indices européens réalisent ainsi leur meilleur début d’année depuis plus de vingt ans par rapport à leurs homologues américains. Il faut admettre que le seuil d’exigence était très faible. La problématique européenne n’est plus la périphérie comme lors de la crise de la dette de 2011 mais plutôt le double problème politique et économique des pays cœur, Allemagne et France. L’isolationnisme envisagé par les États-Unis pousse l’Union européenne au pied du mur à bien des égards, notamment sur les sujets de défense, d’investissements d’infrastructures ou d’amélioration de la compétitivité. Si un pays dispose de marges de manœuvre, c’est bien l’Allemagne qui applique une rigueur budgétaire contra cyclique depuis 2011. Les prochaines élections du 23 février devraient aboutir à un gouvernement plus favorable au business mais il faut s’attendre à de longues négociations entre les partis en présence et un certain immobilisme au cours des prochains mois. Toute avancée notoire sur ce plan ou bien sur le conflit en Ukraine serait de nature à restaurer la confiance et confirmer le retour des flux de capitaux sur le vieux continent.

En attendant, la Banque Centrale Européenne est en mode de pilotage automatique et devrait poursuivre le chemin vers le taux d’équilibre (un taux ni restrictif, ni accommodant) en baissant à plusieurs reprises ses taux directeurs d’ici le milieu de l’année. Les rendements des actifs monétaires vont ainsi continuer à se réduire (les anticipations font état d’un niveau inférieur à 2% d’ici la fin de l’année), et ainsi poser avec plus d’acuité la question de la pertinence de ces classes d’actifs au sein des allocations de portefeuilles. Nous serons probablement amenés à envisager au cours des prochains mois la poursuite du mouvement de désengagement progressif déjà entamé en réallouant une partie de ces actifs sur des supports un peu plus longs (gestion flexible obligataire, performance absolue).

Dans l’ensemble, la toile de fond économique est toujours favorable à l’investissement pour les prochains mois. C’est pourquoi nous conservons en l’état notre surpondération sur les allocation actions s’exprimant plus particulièrement sur les actions américaines, et européennes dans une moindre mesure. À court terme toutefois, nous intégrons bien la dimension (géo)politique à même de générer de la volatilité. Aussi, compte tenu de la belle performance des marchés actions européens depuis le début de l’année, dans une optique tactique nous réduisons légèrement les investissements dans les Plan d’Épargne en Actions (exclusivement investis sur cette classe d’actifs) dont le taux d’investissement étaient conservés à des niveaux élevés jusqu’à présent.

En ce qui concerne les investissements obligataires, nous poursuivons d’un autre côté l’allongement de la duration (plus de sensibilité taux). Nous privilégions le segment Crédit (obligations d’entreprise) qui devrait rester protégé au niveau des spreads tant que la croissance économique reste solide. Le segment Investment Grade offre ainsi des rendements toujours élevés (supérieurs à 4%) et représente notre cœur de cible en matière obligataire.

Source : Datastream -Crédit Mutuel Gestion