Panorama économique
Une croissance revue en hausse en Europe
Après de nombreuses interrogations en début d’année sur les perspectives de la croissance mondiale, les prévisions actuelles se stabilisent. Cela se traduit par l’espoir d’une progression de la production mondiale proche de + 3,2% pour l’exercice 2024, attente globalement inchangée depuis plusieurs semaines.
Cependant, la dynamique propre à chacun des continents évolue légèrement.
Aux États-Unis, depuis l’automne dernier, les économistes ont sensiblement révisé à la hausse leurs projections de croissance pour l‘exercice 2024. À ce jour, le consensus attend une hausse du PIB de 2,4%. Cependant, les récentes statistiques semblent montrer un essoufflement de l’activité. Les indicateurs avancés relatifs à la « bonne santé des entreprises » sont devenus mitigés. Si les enquêtes de confiance des PMI sont toujours bien orientées en mai (l’indice composite est au plus haut depuis avril 2022 à 54,5), ce n’est pas le cas pour une autre série réalisée par l’ISM. L’indicateur manufacturier est de nouveau en repli sous la barre des 50 points (symbole d’une activité en contraction) à 48,7. Plus délicat, la sous-composante des nouvelles commandes se dégrade encore, en passant de 49,1 à 45,4. Mais la situation de l’économie US dépendra surtout à court terme du comportement des ménages américains. La consommation de ces derniers sera particulièrement liée au marché de l’emploi. Or celui-ci commence à montrer des signes de ralentissement. Le dernier rapport JOLTS (Job Opening & Labor Turnover Survey) affiche une baisse de 276 000 emplois disponibles en mai, dont le nombre total de 8,06 millions est au plus bas depuis février 2021 (cf. graphique ci-dessous).
Il conviendra donc d’être attentif sur ce sujet afin de confirmer les bonnes dispositions de l’activité américaine. Cependant, un ralentissement modéré de l’économie outre-Atlantique pourrait avoir des effets bénéfiques sur l’évolution de l’inflation. À ce jour, le retour des prix de détail vers le niveau historique de + 2% est plus long qu’escompté, avec notamment la persistance d’une hausse des prix des services et des salaires. C’est la principale raison qui a justifié jusqu’à présent un statu quo de la politique monétaire de la Fed. Une modération de la dynamique économique américaine devrait donc faciliter le réajustement de l’inflation vers ses normes historiques.
Le contexte est fort différent en Europe avec des fondamentaux de croissance progressivement revus à la hausse. L’hypothèse d’une récession économique en 2024 est maintenant totalement écartée. Avec l’amélioration de la conjoncture en Allemagne, les prévisions de croissance du PIB se rapprochent de + 1% pour l’exercice actuel. Les récents indicateurs avancés valident cette accélération de la production qui devrait se prolonger en 2025. C’est ainsi que l’indicateur PMI composite de la zone euro progresse pour le 5ème mois consécutif pour atteindre 52,2 points en mai, soit le niveau le plus élevé depuis avril 2022 (cf. graphique ci-dessous).
Même si la tendance au sein des entreprises manufacturières demeure encore en territoire négatif, la confiance des responsables de ce secteur remonte progressivement.
Il faudra cependant suivre les conséquences collatérales des élections européennes sur la politique française. Après la dissolution de l’Assemblée Nationale, l’incertitude, quant à la couleur politique du prochain gouvernement de l’hexagone, pourrait affecter à court terme la confiance des acteurs économiques.
La baisse des taux a débuté également en Europe
En parallèle de la conjoncture européenne, la BCE vient de baisser son principal taux directeur (-1/4 point à 3,75%) pour la première fois depuis décembre 2015 (cf. graphique ci-contre). Cette étape était largement attendue par la communauté financière face au net ralentissement de l‘inflation depuis les points hauts de 2022 (+ 10,6%). Pour autant, la principale interrogation ne concernait pas ce premier mouvement, mais plutôt le discours des autorités monétaires, qui devaient donner des précisions quant à la suite des événements. Or, la présidente de la BCE s’est bien gardée de considérer cette baisse annoncée comme le début d’un cycle d’assouplissement qui impactera les quatre prochains rendez-vous de la banque centrale cette année. Pour citer les propos de Mme Christine Lagarde : « la BCE ne s’engage pas à l’avance sur une trajectoire particulière des taux directeurs ». Cela veut dire que seules les futures statistiques, notamment sur l’évolution des salaires et des prix des services, serviront de référence pour guider les prochaines actions (ou pas !) de la banque centrale de la zone euro.
Au sein des autres principales zones mondiales, la Chine n’affiche pas de nouveaux catalyseurs par rapport à l’analyse qui ressortait de son économie depuis plusieurs mois. La demande domestique reste toujours pénalisée par la faible confiance des ménages chinois et par la faiblesse de l’immobilier, malgré la volonté des autorités politiques d’essayer de redynamiser ce secteur en donnant plus de pouvoir aux régions. Les perspectives de la croissance chinoise sont inchangées sur 2024 (+ 5%), mais reposent toujours sur les exportations, dont une grande partie est concentrée sur les véhicules électriques.
Par ailleurs, les résultats des élections générales en Inde et au Mexique ont provoqué quelques remous à court terme parmi les investisseurs. En effet, ceux-ci se sont interrogés sur les politiques qui seront menées dans chacun de ces deux pays. La victoire réduite du parti de Narendra Modi en Inde ne lui donne pas une majorité suffisante pour diriger seul le pays comme c’était le cas depuis deux mandats, en mettant notamment l’accent sur les investissements dans les infrastructures. Situation opposée au Mexique où sa nouvelle présidente Claudia Sheinbaum dispose d’un très large pouvoir au Congrès. Cela lui permettrait de financer d’importantes dépenses sociales, et de laisser les équilibres budgétaires se dégrader. A surveiller donc dans les deux cas...
Marchés Financiers
La volatilité est de retour sur les marchés financiers, alimentée à la fois par l’adaptation au scénario de baisse des taux des banques centrales en fonction de la publication des données économiques mais aussi par le retour du risque politique au terme d’échéances électorales majeures dans plusieurs pays de par le monde.
Des fondamentaux plutôt bien positionnés
Examinons tout d’abord l’environnement économique. Sur ce plan, le regard que l’on porte sera différent selon que l’on s’intéresse à la dynamique de croissance ou bien à son niveau dans l’absolu. Ainsi, l’économie américaine évolue toujours à un rythme élevé, probablement supérieur à son potentiel, mais les indicateurs récents font bien ressortir un ralentissement. A l’inverse, l’économie européenne, encore loin de son rythme naturel, affiche une amélioration de son momentum de croissance. Cela n’est pas neutre pour les marchés qui anticipent les évolutions à venir et raisonnent plutôt sur la dérivée seconde.
Mais au-delà de la croissance, l’enjeu majeur des marchés, du moins le facteur le plus important à ce stade, est toujours l’inflation dans la mesure où son évolution constitue le garant de l’orientation des politiques monétaires des banques centrales. Et le ton est donné : le prochain cycle sera un assouplissement. La banque centrale du Canada, puis la BCE, viennent de baisser leur taux directeur et actent ainsi la fin d’une période de restrictions financières entamée il y a près des deux ans, destinée à juguler la pandémie inflationniste post-Covid. Ces décisions marquent une certaine confiance sur la suite de la désinflation mais peut-être aussi la prise en compte d’autres contraintes telles que la croissance ou la dette publique plus particulièrement sensibles au maintien de taux d’intérêt élevés. La banque centrale américaine a d’ailleurs un double mandat qui intègre également la recherche du plein emploi. C’est pourquoi en cas de dérive du marché de l’emploi, un scénario de baisse des taux pourrait reprendre de la vigueur plus tôt que prévu. Les chiffres d’inflation américaine du mois de mai marquent d’ailleurs une amélioration par rapport aux attentes, avec une variation nulle sur le mois.
Mais beaucoup d’instabilité politique
S’agissant du risque politique, les événements se sont précipités au cours des dernières semaines. Tout d’abord du côté des pays émergents, diverses élections ont eu lieu dans des pays majeurs livrant des résultats parfois perturbants pour les marchés :
- Une nouvelle présidente au Mexique disposant d’une majorité confortable pour réformer le pays. La réaction des marchés vient du fait qu’elle se situe à gauche du paysage politique.
- La perte de majorité pour le parti de Modi en Inde, même s’il est confirmé pour un 3ème mandat, sa marge de manœuvre pour passer des réformes sera ainsi plus limitée.
- L’ANC est bousculé en Afrique du Sud
Mais, plus proches de nous, ce sont bien les élections européennes et surtout leur verdict en France qui créent de l’incertitude, principalement en raison de la convocation surprise d’élections législatives anticipées. Les conjectures sont nombreuses quant à la dynamique française et européenne dans les semaines à venir. Le scénario central post-élections législatives, correspondant à une majorité relative du RN, induit une poursuite de la volatilité jusqu’au scrutin, mais générant, in fine, un impact que nous imaginons assez limité. Les perspectives immédiates demeurent toutefois incertaines pour les marchés obligataires français en raison des incertitudes entourant l’évolution des taux d’intérêt à long terme. L’exemple italien de 2022 suite à l’élection de Georgia Meloni nous enseigne cependant que les craintes sont bien souvent surestimées.
L’écart de taux avec l’Allemagne, la référence en la matière, s’était en effet rapidement détendu par la suite. Si les espoirs de voir la France réduire son déficit budgétaire à 3% du PIB d’ici 2027 sont réduits, il n’y a pas selon nous de risque de sortie de la zone Euro (Frexit), ce qui diminue grandement le risque extrême.
Nos investissements obligataires sont relativement limités en duration, permettant ainsi d’absorber assez aisément la volatilité supplémentaire générée par ces derniers développements.
Nous conservons par ailleurs une certaine confiance sur les marchés actions avec plus particulièrement un biais positif sur les actions européennes.
Les éléments fondamentaux sont en effet encourageants. La bonne tenue de la conjoncture mondiale s’accompagnant d’un assouplissement des politiques monétaires constitue un environnement favorable aux marchés actions. Nous avons déjà eu l’occasion d’évoquer dans les Baromètres précédents l’importance des résultats comme soutien majeur. Or, pour le moment, prises au plan global, les entreprises délivrent des publications conformes voire supérieures aux estimations. Et une fois de plus Nvidia, l’emblème de l’Intelligence Artificielle, a été au rendez-vous lors de la publication de ses résultats trimestriels permettant d’entretenir l’enthousiasme sur cette thématique et de pousser davantage les valorisations. Il est également intéressant de noter la confiance des chefs d’entreprises quant à leurs niveaux d’activité pour les mois à venir. Si ces bonnes perspectives ne sont pas trop étonnantes pour les acteurs américains évoluant au sein d’une économie dynamique, cela peut paraître moins intuitif pour les entreprises européennes. Et pourtant, c’est le cas également !
Les actions européennes prises entre risque politique et amélioration des fondamentaux
Aussi, bien que nous restions dans l’attente d’une clarification du paysage politique, nous considérons que les actions européennes bénéficient d’un positionnement attractif à l’horizon du second semestre. A cet égard, les investisseurs d’Outre-Atlantique témoignent d’un intérêt grandissant pour les marchés du vieux continent en considérant notamment les incertitudes relatives à leur marché domestique à la veille des élections présidentielles.
S’il est clair que les enjeux liés à cette échéance dépassent les strictes frontières américaines et sont de nature à impacter l’ensemble des marchés mondiaux, le constat n’en reste pas moins que les marchés européens présentent certains atouts leur permettant de se démarquer et de réduire la décote de valorisation affichée notamment face au marché américain.
D’un autre côté, les marchés émergents pourraient être plus particulièrement affectés par une hypothétique victoire de Donald Trump du fait d’une politique économique résolument plus protectionniste. La Chine, serait plus particulièrement concernée avec des tarifs augmentés de 60%, alors même que l’accélération de la croissance observée depuis le début de l’année repose essentiellement sur les exportations. Si l’on rajoute que les difficultés de son secteur immobilier semblent loin d’être réglées, le tableau global ne ressort pas favorable pour les investissements au sein de la sphère émergente justifiant un statu quo sur les positions actuelles.
A l’évidence, les incertitudes politiques sont à l’œuvre, et les marchés financiers n’aiment pas cela. Mais ne perdons pas de vue les éléments fondamentaux qui renvoient un sentiment de confiance, sous réserve de prises de positions raisonnables de la part de l’ensemble des nouveaux acteurs politiques issus des nombreuses élections passées et à venir.