La sobriété énergétique est devenue un sujet incontournable, conduisant un nombre croissant d’entreprises à encourager leurs salariés à repenser leurs déplacements professionnels afin de privilégier les mobilités douces. Que leurs sièges se situent en zone rurale, périurbaine ou dans de grandes agglomérations, ces sociétés tentent d’agir sur leur bilan carbone en réduisant l’impact des déplacements domicile-travail de leurs employés via diverses initiatives innovantes. Petit tour d’horizon.
Les entreprises situées en zone rurale
Pour les entreprises installées à la campagne, l’enjeu est clair, mais ô combien complexe : réduire la dépendance de leurs salariés à la voiture, qui reste aujourd’hui le mode de déplacement ultra-dominant. « La part modale de la voiture en milieu rural est de 85%. Elle atteint même 90% pour les migrations pendulaires », note Marie Huyghe, docteure en urbanisme et consultante sur la mobilité durable en milieu rural.
Une dépendance qui s’explique historiquement par le manque d’alternatives, le tout-voiture ayant prévalu dans l’aménagement du territoire depuis l’après-guerre. Mais les choses sont en train de changer. « Le secteur de la mobilité rurale connaît aujourd’hui une vraie dynamique, il y a plein d’initiatives qui se créent, beaucoup de collectivités territoriales, de municipalités, de techniciens et d’entreprises qui se mobilisent sur le sujet. Mais ça ne se traduit pas encore par une baisse de la part modale de la voiture », nuance l’experte.
Le déclic peut-il se produire à travers l’engagement des entreprises ? En tout cas, elles sont de plus en plus nombreuses à agir dans ce sens. Parmi les pistes les plus fertiles en milieu rural, citons notamment l’installation d’un forfait mobilité durable, une prime donnée aux salariés qui se déplacent à vélo ou en covoiturage, pouvant aller jusqu’à 800 euros par an. Une autre option consiste à réorganiser le parking d’entreprise pour mettre les places réservées aux vélos et au covoiturage plus près de l’entrée, celles réservées aux véhicules classiques se situant plus loin. Certaines entreprises prêtent également des vélos électriques à leurs salariés pour leur permettre de s’y essayer pendant quelques mois. Assez pour y prendre goût.
Autant d’actions qui fonctionnent, et que les entreprises ont tout intérêt à mettre en place, selon Marie Huyghe. « Une voiture coûte entre 3 700 et 3 800 euros par an à un foyer. Se déplacer autrement coûte moins cher. Cela permet donc aux entreprises d’augmenter indirectement le pouvoir d’achat de leurs salariés. En outre, les entreprises situées en milieu rural et qui n’offrent aucune alternative à la voiture pour s’y rendre ont parfois des difficultés à recruter. Se détacher du tout-voiture permet d’ouvrir le recrutement à des publics qui pour X raisons n’ont pas accès à une automobile. »
Une marque de prêt-à-porter française, dont le siège se situe en milieu rural, a ainsi lancé un partenariat avec une jeune pousse de la mobilité partagée pour faciliter l’accès de ses salariés au covoiturage afin de valoriser sa marque employeur, tout en proposant un cadre de travail agréable, en pleine nature.
Les entreprises situées en zone péri-urbaine
Dans le périurbain, si la place de la voiture est moins prépondérante, celle-ci demeure très attractive, l’usage des transports en commun rimant souvent avec trajets à rallonge, dans des zones mal desservies.
Nombre d’entreprises disposent pourtant d’un moyen simple d’y remédier, selon Laure Wagner, dirigeante d’1 Km à pied, start-up qui accompagne les entreprises dans la mise en place d’un plan de mobilité employeur. La jeune pousse propose un logiciel de RH à destination des employeurs multi-sites, afin de les aider à caser chaque employé dans le site le plus proche de chez lui. « La moitié des actifs français travaillent pour un employeur multi-sites. Or, 62% des salariés en moyenne ont un site de leur employeur plus proche de chez eux que celui auquel ils sont affectés. Avant même d’opter pour des modes de mobilité plus propre, le meilleur moyen de faire des déplacements durables consiste donc à réduire ces distances », note l’entrepreneuse.
Le logiciel de la société permet aux salariés des entreprises clientes d’exprimer leur choix d’être envoyés sur un autre site plus proche, et de facilement les permuter avec un autre salarié qui souhaite également être muté. 1 km à pied travaille notamment avec plusieurs grands groupes de supermarchés, un réseau de crèches, ainsi que des entreprises du BTP.
Les entreprises du périurbain peuvent aussi agir en ciblant les salariés qui combinent voiture et transports en commun, pour les inciter à privilégier l’autopartage plutôt que la voiture individuelle. Un énergéticien comptant plusieurs sites situés en périphérie de Grenoble rembourse ainsi l’abonnement en transport en commun de ses salariés à 75% (soit davantage que le minimum légal de 50%) et met à leur disposition une flotte de véhicules électriques partagés. Une entreprise située en périphérie de Bordeaux propose quant à elle des vélos en libre-service à ses salariés pour leur permettre de rejoindre la station de transport la plus proche.
Et pour aider les employés à mieux s’y retrouver parmi les aides disponibles, une jeune pousse française propose par exemple un Pass Mobilité réunissant l’ensemble des subventions de l’employeur destinées aux trajets domicile-travail des salariés.
Les entreprises installées dans les agglomérations
Ici, le problème n’est plus celui de l’offre de transport, qui est abondante, mais plutôt de désengorger les transports en commun et de proposer aux salariés des modes de déplacement qui leur permettent de combiner décarbonation et bonne qualité de vie. Le vélo est à cet égard très attractif. Vélos de fonction et co-financement de l’achat de deux roues séduisent ainsi un nombre croissant d’entreprises.
Pour accompagner leurs salariés qui font le choix du deux roues, certaines entreprises proposent désormais des ateliers de réparation au bureau, afin d’éviter que les efforts de réduction de l’empreinte carbone des salariés ne soient freinés par un pneu crevé ou un déraillement.
D’autres misent sur le télétravail, popularisé par le Covid. Même si selon les dernières évaluations de l’ADEME & Greenworking*, les effets rebond du télétravail (relocalisation du domicile, usage de la visioconférence, consommation énergétique du domicile) peuvent réduire en moyenne de 31% les bénéfices environnementaux du télétravail hebdomadaire, cette réduction équivaut toujours à 84 kg de CO2 évités chaque année pour chaque jour de télétravail hebdomadaire.
Ou encore sur l’autorisation faite aux salariés de travailler sur des horaires décalés, pour leur éviter d’avoir à prendre le métro aux heures de pointe. Les entreprises de la Défense s’étaient à cet égard montrées pionnières, en autorisant il y a déjà quelques années 50 000 salariés à travailler à distance ou en horaires décalés pour désengorger la ligne 13 du métro parisien.
Qu’elles se situent en zone rurale, périurbaine ou au sein de grandes agglomérations, les entreprises font preuve d’une inventivité contagieuse qui réinvente la mobilité de leurs salariés au quotidien. Cette dynamique collective encourage tout un écosystème à poursuivre ses efforts pour mettre au point de nouvelles offres, développer toujours plus d’alternatives, et donner naissance aux acteurs de la mobilité de demain.